L’avenir appartiendra à ceux qui disposeront de compétences digitales, et c’est loin d’être un slogan. La crise pandémique l’a bien démontré. C’est grâce au digital que le monde a continué à tourner. Le boom digital n’est qu’à ses débuts. Dans les prochaines années, tous les métiers intègreront une dose de technologie. Certains pourront même être remplacés par des intelligences artificielles (dermatologues, radiologues, notaires…). Il faudra donc s’adapter ou disparaître.
Le besoin en compétences se fait sentir. «Au Maroc, le manque en spécialiste du coding, de data scientists et d’experts en intelligence artificielle (IA), par exemple, est important», témoigne Hassan Bahej, PDG d’IBM Maroc. S’il y a bien un secteur sur lequel les jeunes doivent miser, c’est bien celui-là. Les opportunités sont énormes, que ce soit en entreprise ou en freelance. Des experts nous en parlent.

Développement web/mobile/logiciels: Gros potentiel

Les entreprises ne peuvent plus exister sans une vitrine en ligne, sans logiciels de gestion, applications apportant de la valeur ajoutée à leurs services… Les développeurs de sites internet, logiciels et applications mobiles ont de beaux jours devant eux. Il existe des profils maîtrisant plusieurs compétences à la fois, les développeurs Full-Stack. «Polyvalents, ils maîtrisent tous les aspects du développement informatique de la création de sites web à la conception d’un logiciel», explique Aziz Daddane, président du directoire de S2M.
Ces dernières années, des applications et sites, tels que Uber, Jumia, Glovo, Careem, Airbnb, booking.com… ont révolutionné le e-commerce, la restauration, le transport, l’hébergement touristique… Le développement de plateformes collaboratives telles que Zoom, pour les réunions, conférences, enseignement en ligne… est également plein de potentialités. Pour œuvrer dans ces spécialités, faut-il des connaissances poussées en informatique? «Pour le développement web, de logiciels ou d’applications mobiles, pas besoin d’un bagage solide en mathématiques ou informatique. Aujourd’hui, il est même possible d’enseigner l’intelligence artificielle (IA) à des adolescents de moins de 14 ans, car les méthodes utilisées sont intuitives», explique Hajar Mousannif, professeur de Machine Learning et d’Analyse de données massives à l’université Cadi Ayyad de Marrakech. Egalement chercheur en IA, elle est à l’origine du premier master en data sciences de l’université de Marrakech. «Cela dit, pour concevoir des modèles complexes pour des applications nouvelles, il faudrait justifier de connaissances plus développées. Une maîtrise du secteur cible est aussi importante», nuance la spécialiste de l’IA.
Certaines écoles proposent des licences professionnelles en développement web et mobile. D’autres offrent un diplôme d’ingénierie dans le domaine, à l’instar de l’école d’ingénierie de HEM, avec son master spécialisé en «développement web et mobile».

■ Data analyst/data scientist: Les entreprises se les arrachent

Les data sont la matière première du digital. Les entreprises, banques, administrations, assurances… en récoltent des tonnes, mais sans pour autant savoir les utiliser pour en extraire des informations utiles. C’est le rôle du data analyst et du data scientist. «Ces profils sont très demandés en ce moment», assure Ahmed Mouchtachi, directeur de l’Ensam Casablanca. «Les data analysts analysent les données pour en tirer des conclusions pertinentes, les data scientists conçoivent des modèles de prédiction, tandis que les data engineers s’occupent des infrastructures de stockage des données», précise Hajar Mousannif. Toutes les entités amenées à recueillir des données d’utilisateurs peuvent en avoir besoin. «En comprenant la problématique de l’entreprise, ils peuvent analyser ses données et créer des modèles lui permettant de prendre de meilleures décisions ou de construire des offres mieux ciblées», explique Hassan Bahej. Pour ce métier, des connaissances en mathématiques et informatique sont nécessaires.
L’executive master de l’UIR en «big data & IA» permet de former des data analysts. Le diplôme d’ingénieur en «analyse des méga-données» de l’Ecole d’ingénierie digitale et d’IA de l’UEMF permet de former à la fois des data scientists et analystes de données.

■ Internet des objets: Des opportunités au Maroc et à l’étranger
Avec des milliards d’objets connectés, le besoin en spécialistes de l’internet des objets se fera plus pressant dans les prochaines années, notamment avec le développement de maisons et villes intelligentes, la 5 G… Quelques écoles d’ingénieurs ont ouvert des masters dédiés. C’est le cas de l’Ensam Casablanca, dont le master «big data et internet des objets» a déjà sorti quatre promotions. «Tous nos lauréats décrochent des opportunités intéressantes au Maroc et à l’étranger, dès leur stage de fin d’études», confie le directeur de l’école.

■ Robotique: Très peu d’experts  
«C’est un créneau pour le présent et le futur. Malheureusement, il n’existe que très peu de formations dans le domaine. Vous trouvez généralement un élément ou un module robotique dans une filière, mais pas de vraies spécialités», regrette Ahmed Mouchtachi. Au-delà du manque d’experts dans le domaine au Maroc, la formation reste «excessivement chère». «En France, les industriels de la robotique fournissent gracieusement des robots aux écoles pour former les élèves ingénieurs. Au Maroc, nous n’avons pas cette opportunité», relève le directeur de l’Ensam Casablanca. Néanmoins, l’offre de formation devrait se développer dans les toutes prochaines années. L’Ecole d’ingénierie digitale et d’IA de l’UEMF prévoit un cycle ingénieur en «robotique et cobotique»

■ Intelligence artificielle: Les formations se multiplient

Opérations chirurgicales à distance, diagnostic de cancers, voitures autonomes, robot-advisors… Un nouveau monde s’ouvre grâce à l’intelligence artificielle (IA). Les spécialistes du domaine ne sont pas nombreux au Maroc, mais les formations se multiplient. Parmi elles, le master «big data et IA appliquées à la santé» de l’Université Mohammed VI des sciences de la santé (UM6SS), le master spécialisé «IA, big data et entreprise digitale» de l’ISCAE, le master IA de HEM Engineering School, ou encore le cycle ingénieur «IA et génie informatique» de l’Ensam, dont la première promotion sera diplômée l’année prochaine. En 2019, Toulouse Business School a également lancé un parcours international, big data et IA, avec Microsoft, labellisé CGE, une accréditation réservée  aux meilleures écoles de commerce en France.

■ Gestion de la e-réputation: Les gagnants de la crise
«Durant le confinement, cette activité a explosé», relève Hajar Mousannif. Avec la crise pandémique, le digital s’est positionné en saint Graal des entreprises. Elles sont ainsi de plus en plus nombreuses à chercher à soigner leur image et leur réputation en ligne. Les startups qui se sont positionnées sur ce créneau ont pu braver la crise. En entreprise, le poste de e-reputation manager devient critique. La communication digitale de manière générale devient un must. Dans sa filière en journalisme et communication, l’ESJC intègre un module «communication digitale» destiné à préparer des experts polyvalents de la com.

■ Marketing digital: La nouvelle bataille du marché
Vendre à travers un écran, c’est tout un métier. Pour développer leur présence en ligne, les entreprises ont besoin de e-marketeurs. Les business schools sont déjà positionnées sur cette spécialité, à travers des certificats ou des masters pour des diplômés en marketing, à l’instar de l’ESCA Ecole de management, avec son master «marketing digital et communication», ou encore de l’Emlyon Casablanca, avec son master spécialisé «transformation digitale, marketing et stratégie». Tous les métiers devront à l’avenir compter une part de digital (auditeurs, juristes, commerciaux…). D’où la nécessité de formations complémentaires.

■ Contrôle et protection de données: Une fonction émergente
Pour se conformer à la législation nationale et internationale sur la protection des données personnelles, les entreprises auront de plus en plus besoin de «data protection officers». Il s’agit de spécialistes s’assurant du respect de la protection des données à caractère personnel récoltées par leur organisation. Il peut s’agir de profils (encore rares) à cheval entre le droit et l’informatique (ingénieurs, juristes spécialisés en technologies de l’information…). L’UIR compte un executive master «big data & IA» dont l’un des débouchés est celui de  data protection officer.

Cyber sécurité: Besoin pressant de spécialistes

Piratage, intrusions, usurpation d’identité… les attaques de cybercriminels sont courantes en ligne. Les clients d’une banque de la place en ont récemment fait les frais, avec des prélèvements frauduleux sur leurs comptes bancaires. La sécurité en ligne revêt désormais un enjeu majeur. «A l’heure de la blockchain et des systèmes connectés, le rôle de l’expert Sécurité est central. Il est le garant de la pérennité des systèmes d’information. A la fois hacker et protecteur, il doit traquer les failles des systèmes et y pallier dans le respect de la réglementation, des normes et standards internationaux», souligne Aziz Daddane. «Le manque d’expertise dans cette spécialité critique est énorme», relève, pour sa part, Hassan Bahej, PDG d’IBM Maroc.
Les écoles, publiques et privées, commencent à se positionner sur cette spécialité. C’est le cas de l’ISGA, avec son master «cyberdéfense et sécurité de l’information». L’Ensias de Rabat compte une filière «sécurité des systèmes d’information». L’IGA Maarif, quant à elle, dispense une licence professionnelle en «sécurité des réseaux et systèmes d’information». D’autres établissements préparent cette spécialité. La nouvelle Ecole d’ingénierie digitale et d’IA de l’Université Euromed de Fès (UEMF) prévoit un diplôme d’ingénieur d’Etat en cybersécurité.

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